mardi 15 janvier 2008

L'autosuffisance, une qualité en voie d'extinction

On l'observe de plus en plus, l'autosuffisance se déshumanise. Cette qualité qui a été tant respectée, héritée, puis observée par nos dirigeants pour en faire un des piliers de croissance économique, cette qualité-ci nous fuit... ou plutôt, nous la laissons s'en aller.

Si on la jauge d'un point de vue individuel, qui de nous n'a jamais été appelé par un ami pour lui donner un coup de main ou lui rendre service ? Qui peut se proclamer "auton'Homme" ? La polyvalence signifie-t-elle encore quelques choses ? On peut l'observer dans les métiers d'aujourd'hui. En prenant l'exemple connu du domaine du bâtiment, où toute personne travaillant dans la plomberie se déchargera des tâches de maçonnerie. Et cette segmentation des corps de métiers se généralise, allant des métiers de la logistique jusqu'aux métiers de la finance. Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai été interpellé par un serveur de café qui ne savait que débarrasser les tables mais n'avait pas l'autonomie suffisante pour prendre ma commande. Une commande ridicule de ptit déjeuner ne dépassant pas les 10 euros, pas une commande d'A380 tout de même.
Et c'est pour cela que ça ne m'étonne pas de voir des nouveaux contrats de travail ne désignant plus des postes mais des actions/missions. Car on attribue une tâche seulement. On te paie pour faire ça et seulement CA : oubliez les "etc..." !

D'un point de vue "Besoins naturels", le constat est tout aussi alarmant, voir plus. Qui mange des produits qu'il cultive chez lui (jardin pour les propriétaires "terriens" ou pots de terres pour les "appartementistes") ? Qui sait à quel moment faut-il planter tel ou tel fruit/légume et comment mener ce produit à terme ? Les "remèdes de grand-mère" vous aident encore pour des problèmes mineurs de santé? Avouons-le, on ne fait plus attention à cela car ce n'est pas intéressant et c'est notre société qui nous le dit. Qui va s'embêter à jardiner en rentrant du boulot alors qu'on peut simplement se faire chauffer un plat picard et le déguster devant une émission type TaF1 (de conneries) ou M6(a vaut rien) ... plus personne.


Le paradoxe est tout de même étonnant. Dans un monde où la solidarité est de moins en moins présente, on a besoin de plus en plus de monde. Ce qui a créé ce domaine tertiaire "Services" qui est aujourd'hui bien loin devant le "primaire" (pauvre dernier) et le "secondaire" (qui reste fort mais pour combien de temps encore?)


Pourquoi être parti sur ce sujet à une heure si tardive ? Tout simplement car j'ai une image de mes vacances qui m'a marquée et que je n'ai pas réussi à me l'enlever de la tête. Cette scène peut être anodine pour beaucoup d'entre nous mais dans chaque situation, j'essaye de comprendre pourquoi. Cette scène la voici : Dans une ville touristique importante occidentale, un carrefour, un feu rouge, une file d'attente de véhicules qui se crée, un homme venu du continent noir commence son "portière à portière" pour vendre des paquets de mouchoirs.

Scène très courante, que tout le monde a déjà vu au moins une fois dans sa vie... mais ma question est dérangeante "Pourquoi ?"

On peut mettre en cause bien sur des phénomènes rationnels tel que la guerre, la faim, l'envie d'une vie meilleure ... mais pourquoi ?

L'autosuffisance est une de ces raisons. Du moins, la perte de cette qualité est une raison principale.

Je vais commencer par prendre le coté le plus simple : l'automobiliste.
Si ces gens sont là, à vendre des mouchoirs c'est qu'il y en a bien qui vont en acheter. Sinon, ils ne perdront pas leur temps au carrefour. Pourquoi acheter des mouchoirs "à la sauvette" ? Tout simplement car il n'avait pas le temps d'en acheter hier en rentrant du boulot. Sa journée a été longue et il n'avait pas envie de faire un déplacement au supermarché et de faire la queue pour un pauvre paquet de mouchoirs. C'est trop dégradant, il vaut mieux que ça... ah oui, l'opinion de soi est inversement proportionnel à son degré d'autosuffisance.


Le coté le plus dur alors ? C'est tragiquement simple. C'est notre faute à nous les colons (occidentaux et arabes), maîtres d'esclaves et autoproclameurs de leurs ressources. Au nom de tout ceux qui se sont initiés dans vos vies, dans vos moeurs, je vous demande pardon. Car nous vous avons lobotomisé à un point tel que vous vous êtes accoutumés à nos priorités vitales en adoptant la maxime simple qui est de "réussir dans la vie". Et cette maxime ne veut pas dire "se sentir le mieux possible" mais plutôt "manger mieux que mon voisin".

L'autosuffisance, premier degré de l'indépendance, base de la liberté individuelle, a perdu ses repères par rapport à son environnement. Les individus de ce continent noir n'écoutent plus les histoires à moral des anciens mais ont les oreilles qui frétillent quand on leur dit qu'un cousin a réussi sur l'autre continent. Ce qui fait que l'autosuffisance permettant de faire vivre sa famille en cultivant les terres entourant le village s'est pervertie en clandestinité dans un pays dont on ne connaît rien à vendre des produits de petites valeurs qui ne pourra te faire vivre mieux qu'avant.

L'autosuffisance a perdu ses repères et sans repères, elle ne vaut pas la peine d'être cultivée par l'humain.


Ouvrir les yeux est plutôt facile mais contrôler son regard vers la bonne direction est ardue dans cet écran opaque que nous impose la société.